(note : ceci est un article écrit en 2011 qui était resté dans les brouillons) Des exemplaires du tardif (1839) tarot au motif « de Marseille » de Bernardin Suzanne sont depuis quelques années régulièrement visibles dans des enchères.
Une ambiguïté règne quand au genre (sujet délicat ces temps-ci !) du cartier qui en était le fabriquant et distributeur.
Une recherche Google montre que plusieurs sites internet d’« experts» du Tarot (« le guide du tarot » http://www.leguidedutarot.com/tarot-ancien/6/ [ http://archive.wikiwix.com/cache/?url=http://www.leguidedutarot.com/tarot-ancien/6/ ], mais également le cartier marseillais Philippe Camoin ou Alejandro Jodorowsky sur le même site http://www.camoin.com/tarot/-Tarots-de-Marseille-.html, le site « tarot de marseille gratuit » http://archive.wikiwix.com/cache/?url=http://www.tarotdemarseillegratuit.fr/autres-tarots/ ou la page d’une vente aux enchère ebay http://archive.wikiwix.com/cache/?url=http%3A%2F%2Fcgi.ebay.fr%2Fws%2FeBayISAPI.dll%3FViewItem%26item%3D300552334365 ) le désignent comme le Tarot de « Suzanne Bernardin » et non « Bernardin Suzanne », avançant systématiquement que ce jeu particulier serait une exception dans le sens le maître-cartier serait une « maîtresse cartière ».
Il y a eu des femmes menant des affaires de maîtres-cartiers, ce ne serait donc pas un exemple unique, en effet les veuves de cartiers ont pu récupérer l’affaire de leur défunt époux – par exemple, connu et documenté par Gérard Van Rijnberk, « Veuve Toulon » à Marseille (ce que Rijnberk avance étonnamment comme explication du V.T du Chariot du Tarot de Nicolas Conver(*)).
Nos « experts » seraient-ils dans le vrai ?
D’autres indices laissent supposer le contraire si l’on considère le travail d’experts (sans guillemets cette fois).
Premièrement le catalogue « Cartes à jouer et Tarots de Marseille, la donation Camoin » – probablement (?) connu du propriétaire actuel de version moderne de la maison Camoin – qui liste aux numéros 203, 210 et 211 le cartier Bernardin Suzanne (dans l’ordre prénom, nom de famille).
Deuxièmement et plus loin de nous mais beaucoup plus proche de la source, l’article de Romain Merlin sur l’origine des cartes à jouer dans le volume II du seizième tome de la Revue Archéologique écrit également à la page 759 le « tarot de Bernardin Suzanne » dans l’ordre habituel prénom-patronyme ; en 1859 il donne également la datation de 1839. Il paraîtrait excessivement surprenant que le perspicace Romain Merlin n’ait pas relevé qu’il s’agissait d’une femme si tel était le cas.
En conséquence il est plus sérieux d’oublier cette histoire de « madame Suzanne Bernardin », mais maintenant que le doute a été largement semé et imprimé noir sur blanc dans certains ouvrages, il ne sera possible de trancher définitivement que lorsqu’un chercheur sérieux aura trouvé dans les registres marseillais une pièce identifiant clairement monsieur Suzanne, Bernardin de son prénom.
Cela doit rester une leçon pour nous autres amateurs de tarots et de cartes, de bien vérifier nos faits et constats, et de souligner les hypothèses, car ils sont nombreux ceux et celles qui exploiteront tout « détail inhabituel » pour en faire un argiment à leurs théories personnelles, ce qui ne peut qu’embrouiller les chercheurs sincères.
Notes :
* : étonnamment car les initiales sur la carte du Chariot sont censées être celles du graveur, pas celles du cartier à moins qu’il s’agisse de la même personne, et il serait tout aussi étonnant que la veuve du cartier Toulon ait été experte dans la taille de moules.